Le 18 septembre 2022
Enrouler sur le couple, par monts et par vaux, nos petites anglaises savent bien le faire, le nez au vent, les TR2 et TR3, sont plus douées que les autres…
Les amples vallonnements se déploient dans un ronronnement berceur. Soudainement, au détour d’un coteau, quelques journaux de vigne s’étirent sous le rougeoiement des feuilles, cachant leur virginité saisonnière depuis presqu’une lunaison ; le sang du peuple fermente déjà… Sous ce soleil matinal de septembre, qui réchauffe sans chauffer, s’enchaîne une pièce de luzerne fraîchement endainée, à l’incomparable parfum de fermentation. Succédant à cette lumière transparente, la petite route se transforme en un couloir vert d’un sous bois bordé de fougères déjà dorées. Celles-ci qui ont laissées leurs empreintes au plus profond des entrailles de notre planète connaissent ce cycle végétatif depuis des millions d’années…
Au sommet d’un talus, on discerne à peine la silhouette d’un chevreuil, sortant de sa torpeur nocturne, dont le mimétisme, dans ce foisonnement végétal, est presque parfait. Il hésite avant de couper le chemin de cette étrange chenille bigarrée et ronronnante. Tant il est habitué à voir passer le sifflement sans harmoniques de scarabées sombres ou argentés filant vers des destinations sans limite, qu’Apollon et Eole dans leur effort conjugué ne pourront soutenir… Comme un nuage de sauterelles dans des lointains pays, ils fuient une nature vengeresse qu’ils ont souillée.
Les coeurs de nos belles, généralement alimentés richement, inhalent cette atmosphère fraîche et dense, par contentement, ils nous restituent généreusement des battements plus puissants…
Au fil de quelques lieues, en une portion de cadran solaire, villages, églises, châteaux se sont succédés, par ce beau dimanche, nous avons frayé avec le patrimoine de notre pays.
A la fin du 1er quart du XIXème siècle, l’ancien régime agonisait, on avait pansé nos plaies, romantisme et nostalgie réveillaient des sentiments plus pacifistes, pour peu de temps d’ailleurs. Ecrivains, architectes jetaient les bases de la sauvegarde et de la restauration du riche patrimoine lithique de la France. Cette démarche, à l’époque, a fait école dans toute l’Europe. Un ministère spécifique était crée avec à sa tête Prosper Mérimée. Dans un même temps l’industrie européenne naissait, dans ce domaine, l’Angleterre avait quelque avance.
Néanmoins, à trois reprises, ces industries allaient crescendo s’entrechoquer…
Un siècle et demi plus tard, à la fin des « 30 glorieuses », l’industrie française amorçait sa lente agonie, on commençait à renier l’outil et le produit qui en avaient résulté. Pour le bonheur du peuple, il fallait faire table rase de tout ce passé pollueur et destructeur d’hommes. L’industrie devait être réinventée… Cependant, par bonheur, certains ont pris conscience que le patrimoine à sauvegarder n’était pas que lithique.
Il y a 3 ans, la FFVE, dont le TCF est adhérent, a pris une remarquable initiative en plantant un arbre pour tout nouveau dossier de véhicule ancien enregistré, comme pour signifier que le vert existe dans tous les nuanciers humains.
Grâce au propriétaire d’un lieu historique, le TCF bourgogne depuis 2019 fête le week-end du patrimoine dans une ambiance champêtre, lithique et avec ce qu’il faut, selon les rites bourguignons…
Cette année, après avoir sorti de nos malles et dressé les tables salvatrices qui nous accueilleront lors du retour de notre escapade, nous sommes allés rendre visite à 2 arbres remarquables de notre contrée.
Le premier est un tilleul planté au pied d’une petite église en 1588, consacrant l’édit de Nantes, que le roi soleil s’est empressé de révoquer. Cet arbre est appelé également l’arbre de Sully. Il se dit dans la région, que Sully se serait marié clandestinement dans un château situé au-dessus d’une petite vallée à quelques lieues…On prête à Sully la citation « des deux mamelles de la France… », que l’on nous a tant rabâché à l’école, mais il en est une autre plus pertinente et moins connue de cet illustre ministre : « Chez l’homme tout n’est que branle et inconstance » …
Le deuxième arbre remarquable est un chêne qui a vu passé 3 siècles de notre histoire, où les assauts de la nature et des humains n’ont pas manqués. Sa circonférence dépasse les 10 m. Il est actuellement déséquilibré dans son port supérieur, il se situe dans un domaine forestier privé, non loin d’un château très proche du lieu où nous allons retrouver nos tables dressées dans un parc originellement dessiné par le Nôtre.
Ce parc était justifié par la présence d’un château construit au siècle des lumières, que le grand désordre de la fin du XVIIIème siècle a vidé et détruit, y compris bassins et poissons… Pour faire place au XIXème, dans un autre lieu, à une construction en rapport avec les moeurs de cette époque, qui allait bientôt s’appeler « la belle époque »… Le grand Sully avait raison dans sa deuxième citation…
Après avoir avoiné et aéré les chevaux, au retour il fallait que les équipages puissent être récompensés des efforts fournis durant cette longue matinée… Le soleil de cette fin estivale, à son zénith, incitait à partager les tables sous les frondaisons que l’incidence des rayons a rapidement eu grand peine à traverser. Le changement de place pour certains, de nouveau s’imposait.
A l’occident, la buée orangée naissait dans la trouée qui avait été miroir d’eau au temps du siècle des lumières. Après les projets de fin d’année et ceux de la prochaine, il fallait mettre un terme à cette journée d’évasion.
Un grand merci aux propriétaires de ce lieu qui accueillent et partagent nos sensibilités ainsi évidemment qu’à tous les membres du TCF présents.
Gérard Devaud
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