Sortie inter-régionale entre Margeride et Gévaudan
8 et 9 juin 2013
par Jean-Paul Lamy
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Organiser une sortie au mois de juin, quel bonheur !
Le printemps se termine avec la promesse de jours ensoleillés. A la veille de l’été officiel, le climat qui règne sur le sud du massif central fait l’objet de toutes les convoitises. De surcroît, le soleil doit se faire pardonner une longue, trop longue absence. Finies donc les averses printanières, hormis peut-être quelques orages de chaleur. Le risque météo est faible, tous les prévisionnistes vous le diront.
Pauvres organisateurs ! Le shérif Patrice et le cow-boy Patrick, associés pour cette belle aventure, n’ont pas réussi à convaincre l’office de tourisme du Gévaudan. Les participants en ont déduit qu’aux confins de l’Auvergne et des Cévennes, il y avait quatre « automne » portant officiellement des noms différents, certains étant même plus froids que les autres. Bigre…
Vendredi, il fait beau, ce qui laisse traitreusement augurer d’un bon week-end. Tous les équipages partis des régions Auvergne, Provence, Franche-Comté, Rhône-Alpes, Bordelais, Ile-de-France, Midi-Pyrénées, Périgord et même Suisse rejoignent le camp de base situé au pied de Châteauneuf-de-Randon, petit bourg perché sur un piton qui domine les plateaux alentours. Pas d’anglais parmi nous cette fois-ci, sans doute n’auraient-ils pas été enchantés d’évoquer les souvenirs de la guerre de cent ans et les exploits d’un certain Du Guesclin qui leur fit bien des misères.
Les participants sont heureux de se retrouver, les deux hôtels sont sympas, le restaurant fait l’unanimité, la soirée est excellente. Tout commence bien…
Le réveil est trop matinal au goût de certains, mais le shérif est intraitable, le « Rôde-Bouc », comme on dit dans ces contrées d’élevage, doit être respecté à la minute. Un horaire de train est d’une souplesse de contorsionniste à côté de ce qui nous attend. Le temps d’été n’est pas au rendez-vous. Le ciel est gris, le plafond est bas, l’horizon est caché par des nuages égarés au ras des montagnes. Le long convoi d’une trentaine de voitures s’étire au milieu des pâturages bien verts et parsemés de jonquilles pour atteindre le lac de retenue de Charpal. La halte est d’autant plus courte qu’il fait assez froid, mais par chance, il ne pleut pas.
Sans raison apparente, le shérif qui fermait a marche réveille ses chevaux, les éperonne sauvagement et remonte la file de voitures dans un galop effréné. Que se passe-t-il ? Notre chef tient à prendre la tête du convoi pour organiser une pause-café revigorante au sommet du Mont Lozère. C’est une bonne occasion de regrouper le long convoi qui s’étire de plus en plus. Par ailleurs, que proposer de mieux aux équipages frigorifiés qu’un bon café, quand on circule à près de quinze cents mètres d’altitude par un froid polaire ? Pour une fois, nous renonçons à notre vieille habitude, nous ne réorganisons pas la terrasse de l’établissement à notre convenance. Tout le monde se bouscule à l’intérieur du petit chalet, à l’exception d’un équipage bien réchauffé. Il est vrai que faute de Triumph retenues pour soins mécaniques ou esthétiques, ces intrépides circulent en voiture moderne fermée et climatisée. Personne ne l’avoue, mais cet équipage fait bien des envieux.
Coup de semonce des organisateurs, c’est l’heure ! Les voitures entament l’ascension du col de Finiels avant une magnifique descente en lacets jusqu’au fond de la vallée du Tarn. La puissante monture du shérif n’a sans doute pas apprécié la dernière cavalcade effrénée et c’est la panne stupide. Le conducteur découvre que ses roues arrière sont vraiment indépendantes, puisque l’une d’elles a choisi la liberté. Ceux qui le suivent lui prêtent main forte et il rejoindra le groupe après avoir confié son blanc destrier à un garage de Florac.
Nous garons tant bien que mal nos voitures dans le joli petit bourg du Pont-de-Montvert. Les rues sont bien étroites. Comme d’habitude, une course cycliste impose ses contraintes aux autres usagers de la route, ce n’est malheureusement pas nos sorties qui risquent de bénéficier réciproquement d’une telle sollicitude. Le Pont-de-Montvert est tapi au fond d’une vallée étroite, dominé par des pentes d’un vert printannier, parsemées de roches et de fleurs. Le vieux pont qui enjambe le confluent du Rieumalet et du Tarn est la vedette incontestée du site et les appareils de photo crépitent.
Hélas, les meilleures choses ont une fin et quand nous regagnons nos voitures, la pluie se met à tomber dru. Ce que nous ne savons pas encore, c’est qu’elle ne cessera pas avant dimanche après-midi. C’est sous des trombes d’eau que nous faisons l’ascension du col de Montmirat pour atteindre enfin l’auberge des Laubies, fort accueillante. Comme promis, la qualité des repas va crescendo, en qualité certes mais aussi en quantité, ce qui commence à inquiéter celles qui surveillent jalousement leur ligne et constatent avec effroi que les sortie de notre club sont propices aux kilos difficiles à perdre avant l’été.
Départ pour Mende sous une pluie diluvienne. Au volant c’est l’inquiétude : soumis à un rythme intensif, les essuie-glaces vont-ils tenir ? Comment lutter contre cette maudite buée qui revient à peine essuyée ? Dans un trou de la couche nuageuse, nous apercevons Mende en contrebas, dominée par son énorme cathédrale. Nous dévalons vers la cité où nous avons la chance de pouvoir garer les voitures au centre-ville. Au programme, une visite guidée de la préfecture du département le moins peuplé de France. Les équipages, répartis en deux groupes, suivent chacun leur guide. Nous découvrons les splendides plafonds à caissons du vieil hôtel de ville et les tapisseries d’Aubusson de la salle des mariages. Nous arpentons rapidement la cathédrale, interdite de visite durant les offices comme le mariage en cours.
Sous une pluie qui n’en finit pas, nous déambulons le long des ruelles de la vieille cité. Notre guide sait éveiller notre curiosité en évoquant les trois maisons closes locales qui faisaient florès au siècle dernier, nul ne sachant qui étaient les plus assidus, les ecclésiastiques ou les troupes de garnison. Elle nous évoque dans la foulée les vierges noires, particularité locale en voie de disparition, allez comprendre… Notre guide nous entraîne entre les vieilles maisons couvertes de lauzes jusqu’à l’ancien pont… Nous regagnons les voitures sous une pluie toujours aussi intense. Retour vers Châteauneuf-de-Randon, scandé par le battement ininterrompu des essuie-glaces.
Une vieille conductrice du cru, tapie derrière les hautes herbes « écologiquement » oubliées par les Ponts et Chaussées, se lance à corps perdu sur la grand route et monte tout de go à l’abordage de la pimpante Triumph rouge de notre secrétaire général, quel manque de déférence ! Heureusement, les dégâts ne sont que matériels et la vaillante TR3, quelque peu défigurée, regagnera vaille que vaille sa chère Auvergne. Et pour changer, il pleut sans discontinuer…
La mairie de Châteauneuf-de-Randon a la courtoisie de nous offrir l’apéritif et accueille nos voitures dans le parc qui nous a été réservé au beau milieu de la place centrale, au pied de la statue du célèbre Du Guesclin. Les Triumph arrivent en ordre dispersé, après avoir fait le plein de carburant à l’unique station-service à des lieues à la ronde. Nous nous précipitons à l’intérieur des deux petits bistrots de la place pour échapper à la pluie qui nous poursuit sans relâche. L’heure avançant, tout le monde redescend vers l’Hôtel de la Poste.
Ce septième « Auvergne Tour » se veut un petit « Event » régional, avec sa soirée de gala. Après un nouvel apéritif bien convivial, c’est l’heure des récompenses. Monique et Jean-Pierre sont à l’honneur, n’est-ce pas l’équipage qui vient de plus loin ? L’Auvergne, région organisatrice étant disqualifiée d’office, le prix de la région la mieux représentée échoit sans coup férir aux « Michel’s Monfort », leaders charismatiques des « Provence-Méditerranée » venus en force. Le concours inédit de la voiture au coloris le plus « improbable » oppose les teintes vertes les plus surprenantes, baptisées avec une élégance toute britannique Apple-green, Java-green ou Toundra. Par crainte de représailles, le jury un peu lâche déclare par prudence tous les candidats ex-aequo. Force est donc de recourir au referendum pour désigner la couleur la plus… inattendue. Ce sont nos amis suisses Claudine et Jean-Claude qui sortent vainqueurs haut la main de cette terrible confrontation. Enfin, c’est le traditionnel cadeau aux organisateurs. Pour confirmer son statut s’il en était encore besoin, Patrice reçoit les attributs de sa fonction : une nouvelle étoile de shérif, des éperons et une paire de colts du meilleur effet. Amis auvergnats, vous n’avez plus qu’à bien vous tenir !
Dimanche matin, ce n’est plus de la pluie, mais une véritable tempête. Plus on nous parle de réchauffement climatique, plus il fait froid ! La mousson soufflerait-elle désormais sur la Margeride et le Gévaudan ? Ce neuf juin à l’aube, le chargement des voitures est une véritable opération amphibie. La météo bouscule le joli programme ciselé avec amour par nos organisateurs et nous filons directement sur Saugues où nous arrivons finalement trop tôt. Le « Rôde-Bouc » restera bien à l’abri, lui… C’est sans regret que nous avons délaissé les petites routes détrempées de la haute vallée de l’Allier noyées dans les nuages.
Nous avons délibérément annulé l’étape de Saint-Privat-d’Allier, initialement dédiée à l’avitaillement en saucissons et autres cochonnailles des hauts plateaux. En dehors des rares chanceux qui ont eu l’opportunité de pouvoir suivre la voiture des organisateurs, personne ne trouve le parc gardé qui nous attend. Cela n’empêche pas notre shérif de soutenir, contre vents et marées, que c’est son « rôde-bouc » qui a raison. Ah mais… Tous ces démocrates, même majoritaires, pour qui se prennent-ils ? En attendant l’heure des visites, nous tuons le temps entassés dans un petit café de la grand-rue. Tombe, tombe la pluie…
Les plus courageux d'entre nous empruntent un escalier raide, étroit, sombre et glissant pour se hisser non sans mal au sommet de la « Tour des Anglais ». Maudite pluie, sans elle la vue serait magnifique de là-haut. Dans une des salles de la tour, Patrick tombe sur une antique balance parmi les objets exposés et là, c’est manifestement son domaine. Arguments de poids à l’appui, pesant précisément ses mots, il retrace avec brio la passionnante histoire de la balance romaine à travers les âges et les régions. Rien ne nous est épargné, ni les fléaux, ni les tares. Les visiteurs demeurent tout ébaubis devant ce guide improvisé. Puis nous visitons le « Musée de la Bête du Gévaudan », un son et lumière bien naïf qui plait à certains et en fait sourire d’autres : « Hou… hou… loup y-est-tu ? ».
Aujourd’hui, c’est jour de fête à Saugues et Monsieur le maire nous invite à l’apéritif sous un chapiteau bien trop étroit pour que tout le monde puisse échapper au déluge qui redouble d’intensité. Stoïque, souriant, professionnel en diable, l’orchestre joue avec entrain, cela rappelle le Titanic. Entraînées par le flon-flon de la fête, nos équipières ne résistent pas aux rythmes endiablés et exécutent quelques pas de danse sur l’air « des copains d’abord ». On en oublierait presque qu’il pleut à torrents. Les membres du club « Auto-Rétro-Ponot » nous rejoignent dans le grand restaurant du bourg pour le dernier repas de ce mémorable week-end. C’est encore un véritable festin et seuls quelques gros mangeurs parviennent à faire honneur à tous les plats. Puis c’est le temps des « au revoir » et des échanges de numéros de téléphone et d’adresses internet avant de rejoindre les voitures.
Quinze heures, l’heure du corso fleuri de Saugues a sonné. Nos vieilles autos sont invitées à défiler en tête de cortège, juste derrière une fanfare auvergnate. Nous nous prêtons de bonne grâce à cet exercice, au milieu d’une foule nombreuse et enthousiaste. Nous croisons des équipages incroyables, pédalant sur des engins extraordinaires, sortis de rêves d’enfant ou de fantasmes d’adultes déjantés. Une baignoire motorisée pétarade au milieu de vélos impensables et devant un orphéon à pédales. La foule se presse sur le parcours et sa bonne humeur fait plaisir à voir. Entre deux ondées, les nuages commencent à laisser un peu d’espace à des rayons de soleil furtifs. Heureusement, ces averses à répétition ne parviennent pas à gâcher la fête.
Pour saluer notre départ, la pluie reprend de plus belle et chacun reprend la route pour rejoindre ses pénates. Après une bonne demi-heure de conduite sous un rideau d’eau, au terme d’un combat sans merci contre la buée, la pluie cesse enfin, comme si elle avait sournoisement attendu la fin de notre sortie pour s’arrêter. C’est sous un soleil retrouvé que nous faisons les derniers kilomètres.
La boutique s’est montrée bien discrète cette fois-ci. Quand nous proposera-t-elle opportunément des produits adaptés aux circonstances, comme des « burkas étanches » frappées de l’emblème Triumph, des « chapkas » bien chaudes et dûment siglées, de véritables cirés de marins ou de vraies tenues de plongeur ? Pourquoi pas non plus des bouillotes aux armes de notre club ou des systèmes de chauffage se branchant sur l’allume-cigare ?
Trêve de plaisanteries… Malgré les intempéries, cette sortie fut une véritable réussite et rien n’a pu entamer l’entrain ni la bonne humeur des participants. Le décor choisi était fabuleux, les centres d’intérêt n’ont pas manqué, l’intendance s’est avérée remarquable. Merci au shérif Patrice et à sa brillante adjointe, bravo au cow-boy Patrick et à sa jolie Daisy du saloon, vous avez su faire contre mauvaise fortune bon cœur. Pari difficile, mais pari gagné ! On en redemande, mais si possible avec un peu plus de soleil…