Comment devient-on écolo-compatible ?
Humour ou réalité
septembre 2016
par Jean-Paul Lamy
Il m’a bien fallu m’y résoudre, je viens d’immatriculer ma voiture en carte grise collection. Pourquoi m’obstiner à refuser de participer au bel élan écologique qui va sauver la planète ? Autour de moi, la plupart de mes amis ont déjà mis leur Triumph au « vert ». Parmi les dernières dispositions qui promettent un avenir radieux aux voitures anciennes, trois d’entre elles ont particulièrement retenu mon attention. Le constat qui en découle est… miraculeux !
- Mon ancienne voiture pollue moins depuis qu’elle est en carte grise collection. En effet, l’accès du centre de Paris le week-end m’est dorénavant possible, peut-être pourrai-je ensuite rouler partout sans contrainte, même en semaine.
- Mon beau cabriolet est de plus en plus sûr grâce à son nouveau label collection. La preuve : un contrôle technique tous les cinq ans s’avère suffisant, remplaçant la vérification de rigueur tous les deux ans. La fiabilité de l’auto progresse d’une manière surprenante qui m’échappe un peu.
- Je peux enfin arborer une plaque d’immatriculation sur fond noir, en lieu et place des nouvelles, certes photogéniques pour les radars, mais inélégantes à souhait et qui auraient dénaturé ma belle et si jolie voiture.
Sous les feux de l’actualité, ce sont quelques-unes des mesures phares de nos dirigeants éclairés. Pourquoi s’évertuent-ils à nous faire croire qu’il s’agit d'une approche rigoureuse et scientifique des problèmes liés à l’environnement, surtout pas d’une démarche politique ?
La révolution en cours ne s’arrêtera pas à quelques mesures stigmatisant en priorité les gens modestes, obligés de rouler dans une voiture « mazout » époumonée et fumante, pour rejoindre un lieu de travail éloigné de leur domicile, refoulé loin des centres-villes pour des raisons économiques. Le social a ses raisons que la raison ne saurait croire !
Pour préserver notre environnement, nos énarques laissent libre cours à leur imagination fertile, aussi débordante que débridée. Voici le type de mesures déjà prises ou qui nous menacent à court ou moyen terme :
• réduire encore et encore la vitesse sur autoroutes, routes et chemins vicinaux,
• fermer les voies automobiles rapides pour ralentir drastiquement le trafic,
• installer chicanes et autres ralentisseurs, plus dangereux que vraiment efficaces,
• conserver les points bloquants et accidentogènes, pour préserver la flore et la faune,
• ne rien imposer aux transporteurs routiers, vu leur pouvoir de nuisance,
• limiter la vitesse des avions pour diminuer consommation et pollution.
En même temps, dans une logique qui m’échappe toujours, nos technocrates ont mis en œuvre et projettent d’autres mesures contreproductives au plan écologique. Loin de toute idée de corruption, les puissants lobbies conservent le pouvoir qui leur réussit si bien :
• éloigner les aéroports et les gares des centres-villes,
• abandonner les lignes de chemin de fer secondaires peu rentables,
• interdire le ferroutage, en raison paraît-il du coût des infrastructures,
• ne pas contrarier, mais encourager le développement du transport routier,
• persister à favoriser le développement des ports maritimes étrangers,
• reporter toute mesure intelligente, dès lors qu’elle présente un risque sur l’emploi,
• exporter finalement les rares industries qui demeurent sur notre sol national.
Enfin il faut remplir les caisses. Donc l’heure est davantage à la répression qu’à la prévention. Loin du monde réel dans lequel nous vivons, bien à l’abri des tracasseries administratives qu’ils imposent, nos politiques envisagent « démocratiquement », pour nous le commun des mortels, les mesures d’accompagnement appropriées :
• sous-traiter la répression routière à des entreprises privées,
• développer des radars de plus en plus sophistiqués, pourquoi pas des drones,
• favoriser la délation, comme le font si efficacement nos amis helvètes,
• retenir les amendes à la source, ce serait si tendance.
J’exagère sans doute un peu, j’en oublie sûrement, mais comme nous tous, je serai dans l’obligation me soumettre aux diktats d’une administration dont l’unique objectif serait de nous « cocooner » dans un monde meilleur, il va de soi pour notre plus grand bonheur.
Face à la belle avancée du progrès, quelle régression ! Un pied sur l’accélérateur et l’autre sur le frein ! Si la gestion au jour le jour au gré des sondages l’emporte sur une vision à plus long terme, que vont devenir nos derniers espaces de liberté ?